Aller à la rencontre des gens est peut-être plus facile que ce que je n’avais imaginé. Je me connaissais assez sociable, mais il me semble qu’ici, le devenir est facile. Plus que dans une ville comme Paris, où personne ne fait attention l’un à l’autre. Peut-être aussi est-ce parce que j’ai la démarche de parler. Je suis ici pour ça, finalement.
Le thème de cette résidence, « Habiter », permet également de m’ancrer dans la vie concrète des locaux. Mais il me semble qu’au sortir de ces six semaines à titre personnel, je serais peut-être plus ouvert à la conversation anodine, au détour d’une boutique, d’une terrasse de café, d’une place de marché. Savoir qu’on peut ressortir de quelque part avec quelque chose, la sensation est particulièrement satisfaisante.
Un exemple ? Aujourd’hui, je me suis rendu Notre-Dame de Lapeyrouse. J’y ai passé un petit temps de lecture, avant de rentrer « chez moi ». En chemin, je passe devant une grange, qui fait elle-même face à un champ où se trouvent des chevaux. L’homme, que j’avais déjà remarqué à l’aller grâce à son chien, me demande d’avancer vers lui. Je m’achemine en direction de la grange. Je remarque le même chien, cette fois-ci à l’arrière de la voiture. C’est cette voiture qui va nous intéresser.
Cliché du parisien oblige, je n’ai pas de véhicule, et n’y connais absolument rien en mécanique. Toutefois, l’homme m’intime de l’aider à presser une sorte de pompe pour qu’il puisse démarrer correctement. Le geste est simple, et bien évidemment, je m’exécute. Je pose mon sac à dos et je me place devant le véhicule, tandis qu’il essaie de démarrer sa vieille Citroën. Je ne sais à quel moment ma mission est officiellement terminée. Tout ce que je sais, c’est que trente minutes plus tard, nous avons fait connaissance autour de la voiture.
S’il a passé du temps à l’étranger, et même à Paris, l’homme est un Lafrançaisain pur souche. Il est né à la pharmacie, sur la petite place à côté de laquelle je vis. Il me parle du village jadis, de la pâtisserie que le bar-tabac (où je passe beaucoup de temps) a remplacé, de toutes ces anecdotes que seule la mémoire des anciens permet de faire revivre. L’homme m’indique qu’il possède les chevaux qui font face à la grange dans laquelle il vit depuis quasi-toujours, mais également un lama et un alpaga près du lac. Je ne les ai pas remarqué. Voilà une bonne excuse pour y retourner. Le temps passe, je sens qu’il a envie de parler, ça ne dérange pas. Je suis là pour ça. Je repars comme je suis venu.
Je regrette de ne pas lui avoir demandé son prénom.